mardi 22 avril 2008
Simone de Beauvoir
Voila.cest arrive. Je vole vers New York. C'est vrai. Le haut parleur a appele : " Les voyageurs pour New York..." et la voix avait l'accent familier de toutes les voix qu'on entend a travers les hauts parleurs, sur les quais des gares. Paris-Marseille, paris-Londres, Paris-New York. ce n'est qu'un voyage, un passage d'un lieu a un autre. C'est ce que disait la voix; c'est ce que pretend le visage blase du steward; il trouve naturel, par metier, que je vole vers l'Amerique. Il n'y a qu'un monde et New York est une ville du monde. Mais non. Malgres tous les livres que j'ai lus, les films, les photographies, les recits, New York est dans mon passe une cite legendaire : de la realite a la legende , il n'existe pas de chemin. En face de la vieille Europe, au seuil d'un continent peuple de 160 millions d'hommes , New York appartient a l'avenir ; comment pourrais-je sauter a pieds joints par dessus ma propre vie? Je tente de me raisonner : New York est reelle et presente ; mais mon emotion demeure. D'ordinaire voyager c'est tenter d'annexer a mon univers un objet neuf: l'entreprise est deja passionante . Mais aujourd'hui ,c'est different : il me semble que je vais sortir de ma vie ; je ne sais si ce sera a travaers la colere ou l'espoir, mais quelque chose va se devoiler , un monde si plein, si riche et si imprevu que je connaitrai l'extraordinaire aventure de devenir moi meme une autre.
L'Amerique au jour le jour 1947, Simone de Beauvoir
Olivia
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